L’ensemble de l’œuvre de Platon est resté intacte jusqu’à ce jour, influençant de manière décisive la culture occidentale (Plato 1997) (Laertius 2018, liv. III). Pour Platon, le dialogue est le seul outil capable de mettre en évidence le caractère de recherche de la philosophie, élément clé de sa pensée. Certes, l’écrit est plus précis et approfondi que l’oral, mais le discours oral permet un échange de vues immédiat sur le sujet en discussion (Plato 1993, 275 c). Le principal protagoniste des dialogues est Socrate, à l’exception des derniers dialogues où il se voit attribuer un rôle secondaire, disparaissant complètement dans Lois et Épinomis.
David D. Cicia (Cicia 1987) considère l’éducation dialectique comme un instrument de libération humaine (Freire et Macedo 2000), qui doit s’appuyer sur une connaissance précise de la condition humaine dans l’ignorance comme dans l’illumination et utiliser une méthode précise appropriée à la finalité. Une compréhension de la dialectique peut être atteinte à travers « l’interprétation fonctionnelle » de Platon (Wellman 1970). Selon Klein, une interprétation de tout dialogue platonicien doit partir des prémisses suivantes :
- Un dialogue platonicien n’est pas un traité ou le texte d’une conférence, mais s’apparente à des mimes, comme ceux de Sofron et de Xenarch.
- Le sérieux d’un dialogue platonique est imprégné d’espièglerie.
- Les lecteurs sont considérés comme des participants silencieux aux discussions.
- Aucun dialogue platonicien ne présente la pensée de Platon avec une clarté complète. (Klein 1977)
Favorinus a dit de Platon : « Modifiez, ou supprimez une expression dans le discours de Platon ; si adroitement que vous fassiez ce changement, vous altérerez l’élégance : faites la même épreuve sur Lysias, vous altérerez la pensée. » (Aulu-Gelle 2012)
Classifications des oeuvres
Les dialogues platoniciens ont été regroupés par de nombreux commentateurs dans diverses classifications. Selon certains, un classement serait chronologique : les premiers dialogues seraient caractérisés par la forte influence de Socrate, ceux de la maturité dans lesquels il aurait développé la théorie des idées, et la dernière période dans laquelle il éprouvait le besoin de défendre sa propre conception des attaques contre l’adresse de sa philosophie, réalisant une profonde autocritique de la théorie des Idées. L’école de Tübingen et de Milan tient compte du style évolutif des dialogues platoniciens (Tarrant 1935). Le style, basé sur le dialogue socratique, évolue considérablement dans le temps, passant d’interventions courtes et vives qui donnent de la vivacité au débat à des interventions longues, qui donnent à l’ouvrage un caractère de traité plutôt que de débat. (Reale 1972, 347) (Plato 2021, 341, c-d)
Le regroupement des œuvres par analyse stylométrique (Barrow 2014) est considéré comme le plus proche de la réalité ; selon cette analyse, les premières œuvres sont généralement des apories, celles de la période médiane offrent des enseignements positifs plus clairement énoncés, et les dialogues « tardifs » se caractérisent par une philosophie difficile et exigeante.
Chronologique
Les œuvres de Platon sont généralement regroupées au début (parfois par certains pendant la transition), au milieu et la période tardive (Plato et Burnet 1911) (Plato et al. 1992, 142c–143b). Cette classification est parfois critiquée pour l’incertitude et le manque d’accord absolu sur la véritable chronologie (Plato 1997) (Plato et al. 1992, 142c–143b).
Dès l’an 395 av. J.-C., dans les premiers dialogues, Platon aborde le problème culturel représenté par la figure de Socrate et le rôle des sophistes. Autres aspects : éthiques (rejet de la vengeance, faveur du bonheur humain (eudaïmonisme), la vertu est bonne en soi, unité des vertus, respect de la loi), psychologiques (le mal est fait par ignorance, principes moraux), religieux (dieux sont sages et bons, divination, l’inspiration divine des artistes, il peut y avoir une vie après la mort), méthodologiques et épistémologiques (définir la connaissance des termes éthiques, exemples de valeur éthique, les connaisseurs d’un sujet particulier ne se trompent pas dans leurs jugements sur ce sujet) :
- Apologie de Socrate : monologue ;
- Criton : légitimité des lois ;
- Ion : le sens de l’art humain et de l’art divin ;
- Euthyphron : justice et piété ;
- Charmide : tempérance (aporie) ;
- Laches : vertu (aporie) ;
- Lysis : amitié ;
- 1er Alcibiade : vraie sagesse et bon gouvernement ;
- 2e Alcibiade : prière ;
- Hippias major : beauté ;
- Hippias minor : l’identité de la vertu et de la science ;
- Ménexène : Aspasie ;
- Protagoras : le caractère didactique de la vertu ;
- Gorgias : art rhétorique.
Dans la période médiane jusqu’en 367 av. J.-C., Platon aborde les conditions qui permettent la fondation de la science. Différences claires dans le style et le contenu philosophique des premiers dialogues ; les discussions s’étendent à presque tous les domaines de recherche connus de l’humanité. Thèmes abordés : théorie des formes, immortalité et réincarnation, psychologie morale à âme tripartite, justice, critique d’art, amour platonique.
- Clitophon : affectation incertaine ;
- Ménon : histoire ;
- Phédon : immortalité de l’âme ;
- Euthydème : éristique :
- Banquet : amour ;
- République : l’État idéal ;
- Cratyle : langage ;
- Phèdre : la tripartition de l’âme.
Les dernières œuvres ont été écrites à Athènes. Thèmes abordés : méthodologie philosophique, critique de la précédente théorie des Formes, le mythe de l’Atlantide, la création de l’Univers, les lois sur lesquelles la société doit s’organiser ; Socrate commence à être absent des dialogues.
- Parménide : hypothèses opposées ;
- Sophiste : sophisme ;
- Théétète : connaissance ;
- Politique : politiciens ;
- Timée : cosmologie, structure de la matière et problème eschatologique ;
- Critias : suite du Timée, inachevé ; le mythe de l’Atlantide ;
- Philèbe : le vrai Bien pour une vie heureuse ;
- Lois : inachevée, publiée à titre posthume par Philippe d’Opunthe, qui la divise en douze livres et y ajoute un dernier, Epinomis (Laertius 2018, liv. III 37)
Tétralogies
Un système courant pour se référer aux textes de Platon est celui des tétralogies, attribué par Diogène Laërtius à Thrasyllus, un érudit et astrologue de la cour de Tibère. Le grammairien Thrasyle, au Ier siècle, en insistant sur une affinité argumentative (Mondin 2022, vol. 1 p 146), a ordonné les œuvres platoniciennes par groupes de quatre (tétralogies) :
- Euthyphron, Apologie de Socrate, Criton, Phédon
- Cratyle, Théétète, Sophiste, Politique
- Parménide, Philebus, Banquet, Phèdre
- 1er Alcibiade, 2e Alcibiade, Hipparque, Rivaux
- Théagès, Charmides, Lachès, Lysis
- Euthydème, Protagoras, Gorgias, Ménon
- Hippias majeur, Hippias mineur, Ion, Ménexène
- Clitophon, République, Timée, Critias
- Minos, Lois, Epinomis, Lettres
D’autres œuvres considérés comme faux sont : Définitions, De la justice, De la vertu, Démodocos, Sisyphe, Éryxias, Axiochos, Alcyon, Épigrammes (Platone 2001)
Trilogies
Une classification différente et plus ancienne date d’ Aristophane de Byzance (IIIe siècle avant J.C.), qui a ordonné les œuvres platoniciennes en cinq trilogies:
- République, Timée, Critias
- Sophiste, Politiwue, Cratylus
- Lois, Minos, Epinomis
- Théétète, Euthyphron, Apologie de Socrate
- Criton, Phédon, Lettres
Les dialogues admettent, comme moyens d’acquérir des connaissances, la mémoire, la réfutation et la dialectique, et les moyens d’exposer la pensée à travers la dialectique, le mythe et le paradigme.
Groupements lexicaux
Les spécialistes des statistiques lexicales (Brandwood 1976) et de l’histoire des idées ont classé les dialogues de Platon en différents « groupes », les quatre groupes principaux (Simeterre 1945) (Gill 2014, 61) étant :
- Les premiers ouvrages (399-390) : Apologie de Socrate, Criton, Protagoras, Lachès
- Période de transition (390-385) : Ménon, Gorgias, Hippias major, Euthydemus, Lysis, Ménexène
- Période de maturité (385-370) : Banquet, Cratyle, Phédon, République, Phèdre
- Dernière période (370-345) : Parménide, Théétète, Lois, Philebus, Sophiste, Politique, Timée, Critias.
Bibliography
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Sfetcu, Nicolae, « L’œuvre de Platon », Telework (1er mars 2022), DOI: 10.13140/RG.2.2.10198.32327, URL = https://www.telework.ro/fr/loeuvre-de-platon/
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