La plus grande longueur ou largeur d’un habitant adulte de la Platanie peut être estimée à environ onze de vos pouces. Douze pouces peuvent être considérés comme un maximum.
Nos femmes sont des Lignes Droites.
Nos soldats et nos classes inférieures d’ouvriers sont des Triangles à deux côtés égaux, chacun d’environ onze pouces de long, et une base ou un troisième côté si court (souvent pas plus d’un demi-pouce) qu’ils forment à leurs sommets un angle très aigu et redoutable. En effet, lorsque leurs bases sont du type le plus dégradé (pas plus de la taille du huitième de pouce), elles peuvent difficilement être distinguées des Lignes Droites ou des femmes; leurs sommets sont extrêmement pointus. Chez nous, comme chez vous, ces Triangles se distinguent des autres en s’appelant Isocèles; et par ce nom je me référerai à eux dans les pages suivantes.
Notre classe moyenne est composée de Triangles Équilatéraux ou à faces égales.
Nos hommes professionnels et messieurs sont des Carrés (à quelle classe je fais partie) et des figures à cinq faces ou des Pentagones.
Viennent ensuite la noblesse, dont il existe plusieurs degrés, commençant par des figures à six côtés, ou Hexagones, et de là montant dans le nombre de leurs côtés jusqu’à ce qu’ils reçoivent le titre honorable de Polygonal, ou à plusieurs côtés. Enfin, quand le nombre des côtés devient si nombreux, et que les côtés eux-mêmes sont si petits, que la figure ne peut être distinguée d’un Cercle, il est inclus dans l’Ordre Circulaire ou Sacerdotal; et c’est la classe la plus élevée de tous.
C’est une loi de la nature chez nous qu’un enfant mâle ait un côté de plus que son père, de sorte que chaque génération atteindra (en règle générale) un pas dans l’échelle du développement et de la noblesse. Ainsi le fils d’un Carré est un Pentagone; le fils d’un Pentagone, un Hexagone; etc.
Mais cette règle ne s’applique pas toujours aux marchands, et encore moins aux soldats et aux ouvriers; on ne peut guère dire que l’on doive mériter le nom de figures humaines, puisqu’ils n’ont pas tous leurs côtés égaux. Avec eux donc la loi de la nature ne tient pas; et le fils d’un Isocèle (c’est-à-dire un triangle à deux côtés égaux) reste Isocèle. Néanmoins, tout espoir n’est pas exclu, même à partir des Isocèles, que sa postérité peut finalement s’élever au-dessus de sa condition dégradée. Car, après une longue série de succès militaires ou de travaux diligents et habiles, on trouve généralement que les plus intelligents parmi les classes Artisan et Soldier manifestent une légère augmentation de leur troisième côté ou base, et un rétrécissement des deux autres côtés. Les mariages mixtes (arrangés par les Prêtres) entre les fils et les filles de ces membres plus intellectuels des classes inférieures aboutissent généralement à une progéniture se rapprochant encore plus du type du Triangle Équilatéral.
Rarement, proportionnellement au nombre important de naissances Isocèles, il existe un véritable TriangleÉquilatéral, produit par des parents Isocèles. [Note: « Quel besoin d’un certificat? » un critique de l’Espace peut demander: « La procréation d’un fils Carré n’est-elle pas un certificat de la nature elle-même, prouvant l’égalité des côtés du père?» Je réponds qu’aucune dame de n’importe quelle position n’épousera un Triangle non certifié. La progéniture Carrée a parfois résulté d’un Triangle légèrement irrégulier; mais dans presque tous les cas, l’Irrégularité de la première génération est visitée le troisième; qui ne parvient pas à atteindre le rang Pentagonal, ou rechute au Triangulaire.] Une telle naissance nécessite, comme ses antécédents, non seulement une série d’entre-mariages soigneusement arrangés, mais aussi un long exercice continu de frugalité et de maîtrise de soi de la part des futurs ancêtres de l’Équilateral à venir, et un développement patient, systématique et continu de l’intellect Isocèle à travers de nombreuses générations.
La naissance d’un véritable Équilateral de parents Isocèles fait l’objet de réjouissances dans notre pays pour beaucoup de furlongs autour. Après un examen rigoureux effectué par le Conseil Sanitaire et Social, le nourrisson, s’il est certifié comme régulier, est admis avec un cérémonial solennel dans la classe des Équilatéraux. Il est alors immédiatement enlevé à ses parents fiers et douloureux et adopté par un Équilateral sans enfant, qui est tenu par serment de ne plus jamais permettre à l’enfant d’entrer dans son ancienne maison ou de revoir ses relations, de peur que le nouveau organisme développé peut, par la force de l’imitation inconsciente, retomber dans son niveau héréditaire.
L’émergence occasionnelle d’un Équilatéral des rangs de ses ancêtres nés de serfs est accueillie, non seulement par les pauvres serfs eux-mêmes, comme une lueur de lumière et d’espoir répandue sur la monotonie de leur existence, mais aussi par l’aristocratie en général; car toutes les classes supérieures savent bien que ces phénomènes rares, tout en faisant peu ou rien pour vulgariser leurs propres privilèges, servent de barrière très utile contre la révolution venue d’en bas.
Si la populace aiguë avait été, sans exception, absolument dépourvue d’espoir et d’ambition, elle aurait pu trouver des chefs dans quelques-unes de leurs nombreuses manifestations séditieuses, si capables de rendre leur nombre et leur force supérieurs même pour la sagesse des Cercles. Mais une sage ordonnance de la nature a décrété que, à mesure que les classes ouvrières augmenteraient en intelligence, en connaissance et en toute vertu, dans la même proportion leur angle aigu (qui les rend physiquement terribles) augmentera aussi et s’approchera de l’inoffensif. angle du triangle équilatéral. Ainsi, chez les créatures les plus brutales et les plus redoutables de la classe des soldats, presque au même niveau que les femmes dans leur manque d’intelligence, on trouve que, comme elles ont la capacité mentale d’utiliser leur énorme pouvoir de pénétration, ils déclinent dans la puissance de la pénétration elle-même.
Quelle admirable est cette loi d’indemnisation! Et quelle preuve parfaite de la forme naturelle et, je dirai presque, de l’origine divine de la constitution aristocratique des états de la Platanie! Par un usage judicieux de cette Loi de la Nature, les Polygones et les Cercles sont presque toujours capables d’étouffer la sédition dans son berceau même, en profitant de l’espoir irrépressible et illimité de l’esprit humain. L’art vient aussi au secours de la loi et de l’ordre. Il est généralement possible – par un peu de compression ou d’expansion artificielle de la part des médecins d’état – de rendre parfaitement intelligents certains des chefs les plus intelligents d’une rébellion, et de les admettre aussitôt dans les classes privilégiées; un nombre beaucoup plus grand, qui sont encore au-dessous de la norme, attirés par la perspective d’être finalement anoblis, sont amenés à entrer dans les hôpitaux d’état, où ils sont tenus dans l’emprisonnement honorable pour la vie; un ou deux seuls des plus opiniâtres, des plus fous et des plus désespérément irréguliers sont menés à l’exécution.
Alors la misérable canaille des Isocèles, sans plan et sans chef, est soit transpercée sans résistance par le petit corps de ses frères que le Cercle en chef garde en solde pour les urgences de ce genre; ou bien plus souvent, au moyen des jalousies et des soupçons habilement fomentés parmi eux par le parti Circulaire, ils sont agités à la guerre mutuelle, et périssent par les angles d’un autre. Il n’y a pas moins de cent vingt rébellions dans nos annales, sans compter des éclosions mineures numérotées à deux cent trente-cinq; et ils ont tous fini ainsi.
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